Sommaire
Introduction :
Cette page est un extrait de la page plus complète disponible ici concernant la turbulence atmosphérique.
Mesure par les franges d’Young :
L’expérience des franges d’Young, bien connue surtout pour n’avoir d’explication qu’au travers de la nature ondulatoire de la lumière, peut peut être nous ouvrir une voie pour définir un seeing mètre amateur simple complétant un classique DIMM par la mesure de la vitesse de fluctuation du TipTilt. Un petit rappel sur la nature de cette expérience est nécessaire. En supposant un masque percé de 2 ouvertures laissant passer un front d’onde, et en supposant réunies les 3 conditions suivantes :
- Source monochromatique
- Onde incidente plane (source non résolue)
- Distance au plan du détecteur grande devant l’écartement des trous
Un capteur permettant de mesurer les intensités au foyer permettra d’obtenir une succession de franges claires et sombres apparaissant en fonction de la différence de marche des rayons issus du trou T1 et du trou T2.
Figure 1 : Principe des trous d’Young |
Cette expérience est extrêmement simple à réaliser du point de vue de l’amateur. Elle repose sur l’expérience déjà tentée par Hippolyte Fizeau avec un masque percé de 2 ouvertures placées devant le télescope. Il suffit d’un masque en carton, et d’un télescope, comme nous pouvons le voir sur les photos suivantes.
En utilisant une simple webcam (Toucam Philips) et en patientant jusqu’à ce que la turbulence stagne durant la pose, on obtient des franges d’interférence
Figure 2 : Mise en oeuvre sur Capella |
Aborder la valeur du r0 par les franges d’Young semble à la portée de l’amateur avec un minimum de matériel. Mais il y a probablement encore mieux !
L’expression mathématique de I(x), l’intensité reçue en un point du plan focal, fait apparaître un terme V modulant l’intensité des franges. Ce terme V est appelé « visibilité » des franges. C’est le contraste des franges, qui se défini comme le rapport des intensités suivant :
avec I les intensités max et min sur l’image brute et F(f0) l’intensité du pic de la transformée de Fourier de l’image brute.
Ce contraste est égal à 1 pour une source non résolue (ce qui est le cas d’une étoile). Or si nous utilisons une camera posant quelques millisecondes, on constate rapidement que les franges sont translatées, mais aussi que le contraste V est diminué dans l’image de chaque franges de la vidéo :
Figure 3 : Superposition Plan Image et sa FFT Étoile Véga, LX200 8″ Camera Vesta Pro Pose 1/15s 10ips Observatoire de Dax (cliché b.tregon) |
L’image brute est au centre, les pics latéraux sont les pics de la transformée de Fourier de l’image brute de chaque image. Le contraste V change donc, sur chaque image à temps de pose constant…
L’approche consistant à considérer le contraste d’une source ponctuelle comme toujours égal à 1, nous oblige à considérer que les franges sont immobiles pendant la pose. Cette approche n’est jamais réellement le cas, et durant l’exposition de la matrice, les franges sont translatées de manière aléatoire, de part et d’autre d’une position d’équilibre. Elle sont donc « Floutées » par effet de mouvement
Cette visibilité témoigne de la vitesse de fluctuation du tip/tilt pendant la pose, d’où l’idée de mesurer cette vitesse de fluctuation à temps de pose constant.
BLurring Interference Seeing Motion Monitor (BLISMM) :
Flou se traduit par « Blur » en anglais, d’ou l’idée du BLurring Interference Seeing Motion Monitor (BLISMM) On démontre assez facilement, en supposant que le mouvement aléatoire des franges autour de leurs position centrale est une variable aléatoire gaussienne, que le contraste de ces franges C prend la forme suivante :
avec sigma² la variance de la fluctuation de phase, qui nous permet ensuite de remonter à l’angle balayé par les franges pendant la pose.
La démonstration de cette expression peut être retrouvée de manière exhaustive sur ce lien
Figure 4 : RAAGSO 2019-interférométrie en itinérant |
On sait donc, par unité de temps, l’angle balayé par le front d’onde. Connaissant alors la valeur du r0, nous en déduisons l’angle sous tendu par un télescope équivalent de diamètre r0. Nous connaissons la vitesse instantanée a laquelle est balayée cet angle, ce qui nous amène directement à la mesure du temps de tip/tilt tau’0. Regardons expérimentalement ce que cela peut donner :
La mesure du contraste des franges sur une séquence video de 150 images permet de se rendre compte de la variabilité de la vitesse de transit des franges pendant la pose. La images de la première ligne de ce tableau nous montre par ordre croissant de contraste, l’aspect des franges extraites (interférogrammes) obtenus sur l’étoile Véga avec une Toucam proII. Les valeurs de contrastes varient ici de 7% à 78%. Nous connaissons donc la variance de phase, sur le temps Tpose, par le contraste des franges. Or t’0 est le temps pour lequel les variations de forme du front d’onde sont inférieure à lambda/2Pi(). Donc si nous connaissons r0, on en déduit epsilon0 et l’on en déduit le temps de cohérence du tip/tilt tau’0 Pour mettre en oeuvre cette mesure en simultané avec celle du r0 et de l’angle d’isoplanétisme théta0, nous avons imaginé un masque d’un type un peu particulier, regroupant les éléments suivants :
Figure 6 : Masque BLISMM à trois ouvertures |
Le front d’onde incident est prélevé en 3 endroits (trou1, trou2, trou3). On peut remarquer que le diamètre des trous 1 et 3 sont identique de manière à respecter les équations du DIMM. Le problème a été de trouver une pièce optique low cost ayant comme caractéristique de dévier faiblement les rayons collectés par le trou 3 pour effectuer la mesure du r0. Ayant la chance de travailler dans un laboratoire de physique, les physiciens de ce laboratoire m’ont conseillé des plaques de verre synthétique (Polycarbonate de marque LEXAN) dont le défaut moyen de planéité mesuré est de l’ordre de quelques dizaines de microns sur 5cm. On obtient un prisme dont la déviation est de l’ordre de quelques dizaines de secondes. Le spot obtenu est relativement peu dilué et comme on travaille trés haut en focale pour obtenir des franges d’interférences en combinant le flux des trous 1 et 2, la déviation est suffisante pour obtenir un spot exploitable. Donc en occultant séparément les ouvertures, on trouve les configurations suivantes :
Trous 1 + 3 | Trous 1 + 2 | Figure 7 : Acquisitions a deux ouvertures |
En résumé donc, si l’on obstrue le trou n°2, nous nous retrouvons dans la configuration d’un DIMM classique (vidéo de gauche). On voit bien que l’information de déplacement différentiel est directement accessible. Les lignes horizontales apparentes sur certaines images de la vidéos sont dues au fait que la matrice CCD de la camera est une matrice interlacée Si l ‘on obstrue le trou n°3, on est dans le cadre de l’expérience de masque de Fizeau, et l’on fabrique alors des franges d’interférences dont le contraste est directement accessible. Donc en procédant a une analyse, sur une séquence vidéo dont chaque image est prise a temps de pose constant (20ms à 25 images/secondes) : – La fluctuation de position différentielle des spots de l’image (dont le centroïde est obtenu en interpolant une gaussienne sur ces spots à chaque images) permettant de remonter à r0 – La mesure du contraste des franges permettant de remonter à tau’0 – La mesure de scintillation par analyse photométrique (en photométrie d’ouverture) du spot issu du trou 3, permettant de remonter à théta0 On obtient les chronogrammes suivants (séquence de 30 secondes, traitements sous Iris) :
Figure 8 : Mesure tests sur le site de Brantome |
epsilon0 et théta0 sont exprimés en secondes d’arc, r0 en millimètres, et tau0 en millisecondes. Le tableau suivant nous montre les statistiques associées aux mesures des 3 quantités évaluées :
Figure 9 : Statistiques sur les runs vidéos |
Plusieurs séquences vidéos prise montrent des résultats similaires, mais évoluant au cours dela nuit. Il faut garder a l’esprit que les quantités mesurées à chaque images sont des quantités instantanées. Lorsque l’on parle de mesure de seeing, il convient de rappeler que l’angle d’isoplanétisme, le temps de cohérence et le paramètre de Fried n’ont de sens que sur des temps extrêmement courts. Lorsque l’on parle de seeing sur des poses longues, il s’agit de mesures statistiques de ces quantités sur un nombre important de mesures instantanées. On peut alors parler de seeing moyen. Une autre remarque est que l’on constate sur l’analyse des paramètre de la séquence vidéo montrée en exemple, que théta0 varie de manière non corrélées avec r0. Cela veut dire que l’on peut avoir localement, sur l’image d’une étoile, une PSF quasi parfaite (r0 grand), mais qui serait totalement déformée si l’on s’écarte d’un angle petit de la direction de visée (théta0). Réciproquement, on peut avoir un r0 petit (donc une PSF remplie de tavelures), et un théta0 grand (la même structure de tavelures sur un angle de visée grand). Si l’on veut établir, dans l’angle d’isoplanétisme, une sélection des images dont les caractéristiques fréquentielle (finesse des détails) sont les moins entachées d’imperfection, il convient donc de sélectionner les images pour lesquelles le Théta0 est grand, ainsi que le r0, tout en imageant en deça du temps de tip/tilt. Sur la séquence précédente, ces trois conditions sont réunies sur au moins 2 images en fin de séquences (images 564 et 587 si la pose etait réduite a 10ms). Tous cela pour quoi ? Une sélection des images dont la qualité instantanée est maximale est à la base d’une discipline appelée le « Lucky Imaging ».
Mesures sur Site
Les mesures présentées ici ont été réalisées sur 2 sites :
– Brantôme (Département de la Dordogne, 25km au nord de Périgueux) sur l’étoile Véga
– Vaux le Penil (Département de la Seine et Marne, sud est de Melun) sur Acturus, chez un Astram des mes amis (David Darson) dont les très bon résultats en CP nous donnent une bonne approximation (en terme de FWHM) des résultats que l’on peut attendre.
Il va de soi que les calculs détaillés tiennent compte de la nature spectrale de la source, ainsi que de sa hauteur sur l’horizon. Toute mesure de turbulence doit être affectée à priori des conditions locales de pointage, pour rester comparables. Le zones choisies sont donc similaires en terme de hauteur, et de relief local (horizon dégagé).
Les séquences vidéos sur lesquelles nous avons fait l’analyses sont des séquences de 30 secondes. 2 séquences à Brantôme, 3 séquences à Vaux le Pénil.
Quelques clichés nous montrent l’installation à Vaux Le Penil :
Quelques détails sur cette installation, qui mérite le détour. Le setup de base de David est destiné principalement au ciel profond. le détail est le suivant :
-MEADE SC 8″ (Schmidt Cassegrain 200mm, Focale 2000mm)
-Monture : Fornax51 sur FS2
-Autoguidage avec diviseur optique et WebCam modifiée longue pose (logiciel d’autoguidage GuideMaster)
-Camera CCD conception et réalisation perso à base de détecteur ICX285AL refroidie par peltier.
-Soft d’acquisition réalisation perso.
Ces deux derniers points sont remarquables, tant du point de vue de la qualité de la camera, et de son soft, que des images produites, que l’ont peut admirer périodiquement sur le forum Webastro.
Mais pour l’occasion, qui nécessite des prises de vue en mode vidéo, la camera employée est une Basler Ace 1300. Télescope et monture sont hébergés dans un abris de jardin, à toit ouvrant, ce détail aura son importance à la lecture des résultats détaillés sur la page Mesure Seeing Vaux le Penil.
Pour les mesures sur le site de Brantôme, l’installation était un peu plus spartiate, puisque à l’époque de la mesure, je n’avais pas encore monté l’abri autour du télescope :
Les mesures ont la aussi été faites avec une Basler. Dans les Deux cas, le mode de prise de vue pour atteindre l’imagerie des franges est en tirage oculaire, avec dans le cas de Brantôme un échantillonnage résultant à 0,19″/pixels et Vaux le Penil à 0,1″/pixels
Les résultats après analyse (détaillées plus bas) sont les suivants :
Les Chronogrammes complets sont disponibles sur les pages suivantes :
Pour étayer les mesures de Vaux le Pénil, on peut remarquer la cohérence avec les images ci dessous, issues de la réalisation par David d’une belle image du Quintet de Stephan, à F/D10 avec une échantillonnage de 0,67″/pixels :
Les détails de prise de vue sont les suivants : Image David Darson Luminance avec un filtre CLS : 30 poses de 600s Rouge, Vert et Bleu : 9x9x9 de 600s chaque
Le Post Webastro ou se trouve les commentaires détaillés est accessible ici
L’image brute ci-dessus est issue de la série de poses unitaires en luminance. La FWHM (compte tenu de l’échantillonnage) est meilleure que 1 »7. On voit donc qu’intégré sur 600 secondes, vu les moyennes mesurées à Vaux le Penil lors de la vidéo n°1, on est complètement dans les clous.
En résumé, le site de David est visiblement très bon, et l’on peut probablement s’attendre à des résultats tout aussi intéressants en planétaire.
Mise en oeuvre rapide :
Le calcul de déplacement des spots est fait sous Iris en utilisant la registration d’image stellaire, avec interpolation spline. On commence par une registration sur le spot de gauche, le fichier de sortie des décalages en X et en Y du spot (shift.lst) est renommé en shift_gauche.lst . On renouvelle l’opération sur le spot droit pour obtenir un fichier shift_droit.lst.
Ces deux fichiers sont ensuite ouverts avec exell ou open office calc. On utilise ensuite le fichier LFQFT_blism_simplifie.ods sous open office ou LFQFT_blism_simplifie.xls sous excell. L’onglet dans lequel on doit recopier les résultats des valeurs de décalages est l’onglet « blismm » (colonne B3 et C3 pour le spot gauche, E3 et F3 colonne de droite). Le calcul se fait ensuite automatiquement et les graphes respectifs de r0 et le epsilon0 associé apparaissent directement en Q35 et Q63. La statistique à 30 secondes sur le r0 et sur epsilon0 sont immédiatement disponibles sur Q29-33 et R29-33.
La mesure de temps de cohérence est plus délicate à obtenir. Les calculs se font aussi sous Iris en utilisant la méthode décrite sur ce lien. Le fichier stats.lst comporte 4 colonnes que l’on peut recopier dans le fichier d’extraction LFQFT_blismm_simplifié.ods (LFQFT voulant dire Le Fichier Qui Fait Tout). La recopie se fait à partir de la cellule 04 onglet « Blismm ». Le graphe affiché est celui du chronogramme des valeurs de Tau0.
En dernier lieu, l’angle d’isoplanétisme est obtenu par analyse statistique de l’indice de scintillation. Il s’agit donc à chaque image, d’avoir l’information de flux du spot ne comportant pas de franges, et de regarder sa dérivée (le détail à été décrit dans le premier lien de cette page). On mesure donc la valeur de la magnitude intégrée sur le spot, que l’on converti ensuite en intensité lumineuse. Cette magnitude est obtenue sur toutes les images de la séquence via la logiciel d’extraction des magnitudes bien connue des spécialistes des occultations : le Logiciel Limovie. Ce soft utilise une procédure de photométrie d’ouverture sur l’étoile cible définie sur chaque image, et génère ensuite un fichier csv (excell) dont les valeurs de somme d’intensité sont recopiées à partir de la cellule A3 onglet « Scintillation_relevé_Blismm ».
Le tableau des statistiques finales sur 30 secondes est disponible sur le premier onglet cellule P28.
La structure des chronogramme est typiquement celles présentée en figure 8 de cette page
epsilon0 et théta0 sont exprimés en secondes d’arc, r0 en millimètres, et tau0 en secondes.
La rédaction d’un soft de calcul dédié est déjà en cours et une partie du code est disponible en pour le traitement du contraste. Mais n’étant pas à la base un codeur dans l’âme, ça risque de prendre un peu de temps. (cette page a été originellement initiée en 2013)
J’espère a terme pouvoir effectuer des mesures sur d’autre site, et je serais curieux, de voir en détail comment se comporte cette méthode à l’observatoire du Pic du Midi (ou ailleurs).